Hommage à Sophia Lessard
02/01/2017 – C’est une bien triste nouvelle que je dois partager aujourd’hui. Mon amie, la sexologue québécoise Sophia Lessard s’en est allée hier.
C’est un message et un hommage personnels, mais qui ont lieu d’être ici, notamment parce que sans cette femme extraordinaire, la page facebook et le site masexualite.ch n’auraient pas pris l’importance qu’ils ont aujourd’hui.
Vous l’avez peut-être connue personnellement, ou rencontrée lors d’une des formations professionnelles et conférences qu’elle a données, en Suisse aussi, ou dans ses « capsules » sur facebook, où Sophia racontait depuis quelques mois le retour de sa maladie, partageant sa douleur, ses interrogations, ses convictions, ses intuitions, son indépendance d’esprit, son amour des gens, ses colères et coups de gueule – des capsules vues et suivies par des milliers de personnes qui vont certainement encore faire le tour du monde, des capsules qu’elle terminait toujours avec : « Je vous aime, mes complices ».
Sophia, je l’ai rencontrée juste après la sortie de mon livre "Ma sexualité (femme") grâce à Facebook, découvrant « par hasard » – elle aurait parlé de synchronicité plutôt – une interview qu’elle a donnée à Lilou, en France. Une interview en bord de mer (dont je vous mets le lien ci-dessous), où elle apparaît telle qu’elle était: belle, avec un sourire rayonnant, bienveillant – on ne l’appelait pas Sophia Soleil sans raison – franche, passionnée, décidée, tendre et douce aussi. Une interview dans laquelle elle se raconte sans tabou et avec l’humour qui la caractérisait: ses convictions, ses difficiles expériences de vie, sa lutte contre la maladie, son amour des gens…
Je lui avais envoyé un message pour lui dire que cette interview m’avait beaucoup touchée. Et quelques minutes plus tard, à peine, elle m’avait répondu: Rencontrons-nous dimanche prochain, je suis à Dijon ! »
Ce fut une rencontre inoubliable, le début d'une belle aventure, de formations professionnelles qui ont rencontré un franc succès, de conférences qui ont attiré un public nombreux. Et le début d'une belle amitié, de rires et de moment d'émotions intenses, vraies, de bons repas – car Sophia incarnait l’épicurisme de toutes les manières – d'engueulades aussi, et de larmes partagées lorsqu’elle a appris que sa maladie avait refait surface.
Ce qui ne l’a pas empêchée de revenir peu après encore pour donner ses formations en Suisse, bravant la fatigue que provoquait le cancer, voulant encore partager son savoir et apporter sa part. Tout comme elle a fait encore un certain nombre de voyages ailleurs dans le monde pour dire, partager, vivre.
Sophia avait à cœur la prévention des abus sexuels et l’éducation sexuelle des enfants, des domaines dont elle était spécialiste, et reconnue, au Québec, et sur lesquels elle a écrit des ouvrages de référence – un bel héritage aujourd’hui.
Trois ans de suite, j’ai ainsi pu la faire venir à Lausanne pour donner des formations aux professionnels de l’enfance, des conférences pour les parents et aussi un atelier inoubliable « A fleur de peau », réservé aux femmes. Car faire (re)découvrir aux femmes (et aux couples), l’essence même de la vie intime, leur propre déesse, comme elle l’appelait, leur corps et celui de l’autre était un autre but essentiel pour elle. Elle l’a fait lors de nombreux ateliers et conférences au Québec et ailleurs, et également en thérapie individuelle et de couple, dont les bénéficiaires n’oublieront jamais l’enseignement.
Et déjà alors, avant le retour de la maladie, elle partageait son propre vécu, difficile, lors d’une autre conférence inoubliable, riche en enseignements pour tous : «Transcender la douleur pour toucher l’harmonie», une conférence très personnelle donnée un soir près de Bulle où elle racontait sa façon de transcender les évènements difficiles, elle qui avait subi une agression sexuelle à l'adolescence.
Son dernier message personnel, je l’ai reçu il y a quelques jours, après Noël, car Sophia prenait encore le temps et l’énergie de partager avec ses amis. Elle savait que le départ était proche, « mon retour », comme elle l’appelait, convaincue que l’essence de chacun, l’âme, est immortelle et rejoint l’Univers. Elle m’a écrit: « Bonne continuité et merci de ta présence à mes côtés ainsi que ta contribution que tu apportes par ta présence et tes connaissances.»
Un beau dernier message, et un compliment et encouragement par celle qui m’a poussée et révélé une part de moi-même, et m’a ainsi préparée et encouragée à ce que je donne moi-même des conférences sur la sexualité, afin d’aider les femmes et les hommes à bien la vivre, moi qui n’osais parler en public jusque-là.
Je suis soulagée de savoir que tu n’as plus à souffrir Sophia, mais tout toi va me manquer beaucoup. Je garde en moi l’empreinte de la dernière fois que nous nous sommes regardées, souries et serrées dans les bras au printemps dernier, incertaines et craignant que ce fut justement la dernière fois. Et je reste en pensées aussi avec tes proches, que j’inclus dans mes prières.
Bon vent là-bas, ma belle Sophia, et un immense MERCI pour toutes les richesses et l’amitié que tu m’as données, de tout cœur!
Je t’aime, ma complice!
Ellen
Sophia Lessard en images et en textes
- Les chroniques de Sophia Lessard pour masexualite.ch